Le consentement des patients – quelle liberté de choix face aux médecins ?

 

Face aux médecins, les patients sont-ils vraiment libres dans leurs choix ? Le consentement « libre et éclairé » institué en France par la loi de 2002 est-il une réalité ? C’est le sujet du livre blanc Consentement aux soins, un idéal inaccessible ? publié par la chaire Public Trust in Health de Grenoble École de Management.

Le livre blanc Consentement aux soins, un idéal inaccessible ? croise les points de vue de soignants, de juristes, de sociologues, d’anthropologues et d’éditeurs d’outils de e-consentement, et tire un principal enseignement : il reste un écart significatif entre loi et usages.

Télécharger le livre blanc Consentement aux soins, un idéal inaccessible ?

Une évolution des pratiques médicales, mais des résistances subsistent

Le corps médical a évolué. Aujourd’hui, dans plusieurs facultés de médecine, les étudiants apprennent à créer le lien de confiance nécessaire pour obtenir un vrai consentement de la part des patients. Cependant, le système continue à « résister », souvent par manque de temps, ce qui compromet le consentement éclairé des patients. De plus, certains professionnels limitent leurs explications, par exemple, envers des patients qu’ils considèrent comme moins aptes à comprendre.

Cette situation reflète un écart persistant entre l’idéal et la pratique du consentement aux soins. Comme le souligne Charles-Clemens Rüling, professeur à Grenoble Ecole de Management et coordinateur du livre blanc, il faut du temps pour que les pratiques évoluent, surtout dans un domaine aussi complexe que la santé, où une intervention peut concerner la vie et la mort. Le consentement est donc bien plus qu’une simple formalité légale.

L’essor du e-consentement : une avancée risquée ?

Avec l’arrivée récent d’outils de e-consentement, les médecins peuvent désormais tracer chaque étape du processus de consentement et l’enrichir avec des supports visuels comme des photos, vidéos, et schémas interactifs. Ces outils offrent une meilleure compréhension des traitements et de leurs risques par le patient, mais ils posent également un nouveau défi.

En effet, comme l’explique C. Rüling, il y a le risque que ces dispositifs soient utilisés principalement pour sécuriser les aspects juridiques liés au consentement et que cela entraîne une banalisation du consentement, similaire à celle que l’on voit dans les contextes numériques. Le risque est que le consentement aux soins soit ainsi vidé de sa substance, comme lorsqu’on clique machinalement pour accéder à un site web, sans prêter attention aux informations fournies.

Les outils numériques, bien qu’efficaces en termes de suivi et de traçabilité, ne doivent pas réduire l’interaction entre le médecin et le patient à une simple signature électronique. « Il serait dangereux d’adopter ces outils les yeux fermés », prévient C. Rüling, soulignant la nécessité de conserver l’aspect humain dans ce processus essentiel.

Les paradoxes du consentement médical

Le document révèle aussi des paradoxes frappants : alors qu’une majorité de patients estime que le consentement libre et éclaire joue un rôle clé dans leur rapport au médecin, 51 % connaissent mal leurs droits en matière de consentement et 40 % estiment que les médecins ne respectent pas leurs obligations. Ce décalage traduit complexité de la relation médecin-patient qui repose fortement sur la confiance. Il existe également des patients qui, quelle que soit la situation, préfèrent ne rien savoir et laisser le médecin décider pour eux.

Ces paradoxes illustrent que le consentement n’est pas seulement une question d’application stricte de la loi, mais un équilibre délicat entre le droit à l’information et le désir de protection de la part de certains patients.

Un enjeu éthique et sociétal

Le consentement médical n’est pas simplement un problème juridique. Il reflète les transformations profondes du rapport entre médecin et patient. Autrefois, le médecin disposait d’une autorité presque incontestée, mais aujourd’hui, les patients sont plus exigeants quant à leur droit à l’information et à leur participation aux décisions de soins. Cette évolution marque un rééquilibrage sociétal important, mais qui reste inachevé.

Depuis 1997, la charge de prouver que l’information a été donnée incombe au médecin, ce qui souligne l’importance du consentement dans le cadre des soins. Cependant, l’aspect juridique n’est qu’une partie de l’enjeu. Le consentement doit avant tout être le reflet d’un dialogue honnête et respectueux, où la confiance mutuelle entre soignant et soigné est centrale.

Des perspectives nuancées pour l’avenir du consentement médical

Le livre blanc Consentement aux soins, un idéal inaccessible ? soulève des questions essentielles pour l’avenir de la relation médecin-patient. Si les outils numériques représentent une opportunité pour améliorer la compréhension et la traçabilité du consentement, ils doivent être utilisés avec prudence. De plus, la formation des futurs médecins à l’écoute et à l’instauration d’un véritable lien de confiance est un élément clé pour garantir un consentement éclairé.

Le livre blanc met en lumière un sujet complexe, avec ses zones d’ombre et de lumière. Malgré les progrès réalisés, de nombreux défis restent à relever pour rendre le consentement médical véritablement libre et éclairé. Des initiatives telles que ce livre blanc contribuent à nourrir le débat et à pousser les acteurs du monde médical à se questionner sur leurs pratiques, afin d’améliorer encore cette dimension essentielle des soins.

 

Charles-Clemens Rüling économiste et sociologue, est est professeur en organisation et management à Grenoble Ecole de Management. Il a été responsable de la Chaire de recherche “Public Trust in Health” de Grenoble Ecole de Management de 2017 à 2024. Depuis 2024, les travaux de la chaire “Public Trust in Health” sont menés au sein de l’axe “Santé numérique et société” de la chaire “Digital Organizations and Society” de Grenoble Ecole de Management.

La “Chaire Digital Organizations and Society” a pour mission de produire et diffuser des connaissances scientifiques sur l’impact des technologies numériques sur l’individu, les organisations et sur notre société. L’axe Santé numérique et société étudie :
–  L’impact des technologies numériques sur la santé
–  L’amélioration du bien-être des professionnels et la qualité des interactions patient-soignant
–  L’intégration des outils thérapeutiques pour transformer et personnaliser les soins de santé

 

Lien vers l’actualité sur le site de Grenoble Ecole de Management : https://www.grenoble-em.com/actualites/le-consentement-des-patients-quelle-liberte-de-choix-face-aux-medecins

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